Pourquoi je suis parti?

Publié le par zagzag

Souvent je pense à mon pays
Les souvenirs reviennent comme POMPEI
Je suis en France depuis peu
Et toujours sans papiers
J’avoue que jusqu’ici je sors peu
Par peur de finir dans un guêpier
J’écris cette lettre pour évacuer mes sentiments
Mes frustrations et ce que je peux penser intimement
J’ai pris le bateau et suis venu comme un clandestin
Pour m’ouvrir selon moi à un avenir jusqu’ici incertain
Mes sorties sont peu nombreuses, d’ailleurs souvent nocturnes
Rester caché n’est pas dans ma nature
Mais je n’ai pas d’autre choix
C’est la misère où que je sois
Je fuis des problèmes en quittant ma terre
J’en trouve d’autres et pas des plus élémentaires
C’est dur de gagner son pain sur cette Terre
Il faut du courage, de la force donc un esprit militaire
Je rêve de revenir chez moi avec les poches pleines
Devenir à mon tour une sorte de totem
Avec ma femme, le sacré tandem
J’ai des tas d’objectifs, un cœur sec
Deux bras et un nombre infini d’échecs
A mon actif, je n’ai que des drames
Un royaume sans arme et une mère en larme
Je suis au pied du mur du fait de mon environnement
Enfant, j’ai surtout subi les évènements
De la pauvreté aux choix des présidents
La vie ne m’a pas gâté et c’est trop évident
Moi je dors sous un olivier quand d’autres vivent dans
Des palais luxueux loin des vrais incidents
Et quand tu réalises que tu n’y changeras rien
Tu décides de partir plutôt que de faire le mesquin
D’attendre une Providence qui elle-même n’y peut rien
Mon destin, j’ai vite compris que j’en étais le seul décisionnaire
Il m’a quand même fallu vingt ans pour devenir ainsi « missionnaire »
Savoir tout cela ne fait pas de moi un grand visionnaire
Juste un homme qui veut plus que quelques sous
Ce que je vois ne me suffit pas du tout
Alors voilà j’ai pris le bateau avec tellement d’espoir
Il fallait bien que j’y aille n’est-ce pas ?




Pour survivre dans ce nouveau monde
Il me faut du travail et ce n’est pas ce qui abonde
Il n’y a que le marché souterrain qui puisse m’offrir quelque chose
Solutions noires pour un monde qui de loin paraissait Rose
On m’a vanté la France et je croyais que l’argent tombait du ciel
Quand j’ai dit ça, on m’a demandé d’arrêter de faire du zèle…
J’ai commencé par travailler au chantier et ça m’a coupé les ailes
La boue, les briques, le ciment et ce froid glacial
Infernal, difficile et dangereux avec ce chef « impartial »…
Ça ne m’a pas changé de passer des journées le ventre vide
Ici les portugais bossent ensemble, vivent une autre vie
Se saoulent pour se concentrer et s’en trouvent ravis
Ça m’est arrivé de ne pas être payé après terme
Où se plaindre sans papier et avec mon épiderme ?
Les mecs te la fond à l’envers et tu ne peux que te taire
Haine profonde qui me ronge, je me sens plus bas que terre
Je repense à mon pays, j’y étais peut-être mieux
Entre avantages et inconvénients, j’accepte malgré tout de perdre à ce jeu
J’ai espoir d’évoluer en société
De m’intégrer en m’appuyant sur ma piété
Chaque fois que je le peux, je vais à la mosquée
Je car dans la vie je vois des jeunes français interloqués
On me jette des regards durs pour je ne sais quelle raison
Le genre de truc qui te fait comprendre que tu n’es pas dans ta maison
Comme la fourmi, j’attends avec hâte la nouvelle saison
Ou quand la roue tournera enfin dans le bon sens
Quand j’aurais enfin mon titre de séjour en France
Je fais tout pour que ma situation avance
Je finirais bien par avoir ma revanche
Car j’ai des rêves, des plans et des tas de frustrations
Savoir ma famille loin et toujours autant de problème d’alimentation…
Le peu que j’ai ici va pour celle qui m’a élevé
Bien que parti sans son approbation
Elle a fini par comprendre ce qui m’a soulevé !
Peu d’échappatoires et trop de souffrances
Je passe des nuits sur des bancs en silence
On dit chez moi qu’il n’y a que le brûlé qui sent la braise
Donc il n’y a que les pauvres qui peuvent comprendre mon malaise
J’essaye de vivre, feint parfois de pleurer
Au regard de ce que je vis, je suis parfois apeuré
Je finis difficilement mes journées
Et quand je veux m’évader, c’est la même tournée
Je vois ces filles en France qui ont le cerveau retourné
Elles me suspectent de vouloir les détourner
J’ai assez de respect pour mon parcours
Pour me concentrer à leur faire la cour
Ces mêmes filles qui rêvent d’égalité
L’image que j’en ai a depuis changé
Mais à l’époque, je les trouvais trop tendancieuses
Parfois suspectes, se déhanchaient comme des danseuses…

Publié dans Vie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article